Faible droit d’entrée pour les franchisés et besoins croissants des entreprises, les services à destination de la clientèle BtoB pourraient bien devenir une tendance forte de la franchise
Après une décennie marquée par l’essor des concepts destinés au marché du BtoC, le monde de la franchise s’ouvre progressivement à un nouveau domaine en plein développement : les services aux entreprises. Si le BtoB a encore pour beaucoup l’image d’un secteur de niche, il offre cependant aux franchiseurs la garantie de développer des revenus solides et récurrents, en surfant sur la tendance grandissante à l’externalisation, au sein des grands groupes comme des PME qui souhaitent gagner en compétitivité.
Proposer des services pour aider les entreprises à mieux se structurer et accompagner leur développement : tel est le pari des concepts de franchise BtoB qui ont fleuri à travers l’Hexagone au cours des dernières années. “On remarque que certaines enseignes de services à la personne se mettent à s’adresser au marché des entreprises car elles en voient le potentiel”, souligne Carolina Gautron, responsable commerciale de Franchise Expo Paris. Car de plus en plus d’entreprises choisissent d’externaliser leurs services de nettoyage, de gardiennage, de coaching et de formation. “On voit donc apparaître de nouvelles sociétés qui proposent des concepts pour y répondre”, observe Stéphanie Cinato di Fusco, responsable franchise au sein du cabinet InExtenso.
Mais contrairement à nos voisins anglo-saxons, où l’industrie des services est une tradition, le développement de franchises spécialisées dans les services n’a commencé que récemment dans l’Hexagone. Rose-Marie Moins, directrice développement, animation et promotion Fédération française de la franchise (FFF), constate que les franchiseurs ont d’abord commencé par s’adresser à la clientèle des particuliers avant de s’ouvrir aux entreprises. “Aujourd’hui, ce secteur reste encore timide par rapport au reste du marché, même s’il est en progression”, constate-t-elle. D’après les chiffres de la FFF, le nombre de réseaux proposant des services BtoB s’élevait à 127 en 2017 (contre 114 en 2015), sur un total de 1976 enseignes.
“Les entreprises sont toujours à la recherche d’économies à réaliser, la tendance actuelle est donc à la sous-traitance, qui peut même aller jusqu’à l’externalisation de managers par exemple. Il y a forcément de nouveaux modèles à proposer”, insiste Rose-Marie Moins.
“Contrairement à nos voisins anglo-saxons, où l’industrie des services est une tradition, le développement de franchises spécialisées dans les services n’a commencé que récemment dans l’Hexagone”
“Dans une économie moderne et collaborative, il existe certainement des besoins à satisfaire en misant sur la mutualisation des compétences et des expertises”, ajoute Michel Kahn, dirigeant du cabinet de consulting du même nom, et co-fondateur de la Fédération des réseaux européens de partenariat et de franchises (Iref).
Des secteurs variés
Parmi les nouveaux concepts de franchises présents sur ce segment, on retrouve ainsi le milieu de la communication, de la publicité et du marketing, mais aussi des sociétés de courtage, d’entretien et de maintenance, de gardiennage, ou encore de travail temporaire.
“On voit notamment émerger des concepts dans des secteurs de niche”, affirme Rose-Marie Moins, qui cite en exemple le réseau Attila, spécialisé dans la maintenance et la réparation de toitures, ou Hydroparts, qui propose l’entretien de hayons élévateurs de camions grâce à son réseau de réparateurs mobiles. “Il existe des enseignes comme As de Pic qui se spécialisent dans la lutte contre les nuisibles, ou la Compagnie des déboucheurs qui réalise du curage de canalisations. IzyFact se spécialise quant à lui dans la facturation et la télétransmission pour les professions libérales de santé”, illustre Carolina Gautron. La franchise est également touchée par l’arrivée de concepts écologiques, “avec l’apparition de solutions d’hydro-nettoyage que l’on ne retrouvait jusqu’ici qu’au sein de grands groupes”, ajoute Stéphanie Cinato di Fusco.
Bien que les secteurs réglementés soient plus difficiles à transformer, des réseaux comme ComptaCom proposent une formule s’apparentant à de la franchise, ce dernier se revendiquant comme “la première franchise en expertise comptable”. “En Belgique, il existe aussi des banques qui se développent en franchise, mais ce n’est pas encore le cas en France”, note Rose-Marie Moins. Certaines compagnies ont toutefois choisi de surfer sur des tendances réglementaires, comme l’arrivée du Réglement général sur la protection des données (RGPD), en proposant un accompagnement à la mise en place du règlement au sein des entreprises.
“Bien que les secteurs réglementés soient plus difficiles à transformer, des réseaux comme ComptaCom proposent une formule s’apparentant à de la franchise”
Michel Kahn rappelle que la nature des services proposés peut toutefois “aller plus loin que ce l’on imaginerait traditionnellement comme étant du BtoB”. Il cite en exemple le réseau Élite Médicale-Promo Kiné, qui est à la fois le plus grand catalogue de vente de matériel technique destiné aux kinésithérapeutes et centres de rééducation, tout en proposant aussi des services de rénovation de cabinet à travers sa branche Elite Design Concept, mais aussi un centre de formation et de recherche et de développement (Elite Progress Center) en kinésithérapie ainsi que l’accès à un club privé (Elite Club) permettant aux professionnels membres d’avoir accès à des tarifs privilégiés.
Commercial et non pas commerçant
Dans ce secteur également, l’un des principaux atouts de la franchise réside dans la force et la réputation de la marque, qui sont là pour aider le futur entrepreneur à démarrer. La plupart des enseignes garantissent même un certain volume de chiffre d’affaires dès la première année. “Lorsqu’on sait que 90 % des entreprises sont encore en activité après cinq ans d’exercice, la franchise est presque une réussite assurée”, avance Carolina Gautron, responsable commerciale du Salon Franchise Expo Paris. Au sein du réseau de maintenance et réparation de toitures Attila, on constate une montée en puissance réalisée au fil des années grâce à la notoriété de la marque. “Notre premier franchisé a démarré en 2006 avec un chiffre d’affaires annuel de 50.000 euros, alors qu’un franchisé arrivé l’an dernier pouvait enregistrer 300.000 euros dès la première année grâce aux retours d’expérience et à l’échange de bonnes pratiques”, affirme Jean-Luc Chauvet, directeur marketing et communication d’Attila. Mais pour cela, “le modèle doit être éprouvé et testé au préalable, que l’on soit dans le BtoB ou dans le BtoC, afin de s’assurer de sa rentabilité avant de le proposer aux franchisés”, met cependant en garde Stéphanie Cinato di Fusco. Et dans les services comme dans la vente des produits, le contrat de franchise nécessite que le franchiseur soit en mesure de transférer un savoir-faire, “c’est-à-dire quelque chose de secret, substantiel et identifié, qui doit permettre à celui qui le reçoit d’être rentable ou de gagner un revenu supérieur à un revenu moyen”, rappelle Michel Kahn.
“Il faut que les franchisés soient capables d’aller au contact de leurs clients à l’extérieur, contrairement au BtoC”
Sans compter que toute la réussite d’une franchise ne dépendra pas uniquement du franchiseur. “Lorsqu’on vend aux entreprises, le vrai sujet n’est pas d’être commerçant mais commercial. Il faut que les franchisés soient capables d’aller au contact de leurs clients à l’extérieur, contrairement au BtoC. Pour les gens qui n’auraient pas ce profil, l’aventure peut s’avérer compliquée”, concède Rose-Marie Moins.
Des modèles mixtes BtoC-BtoB
Conscients du marché potentiel et des atouts que représente le BtoB, plusieurs franchiseurs ont franchi le pas pour développer une offre destinée aux entreprises en plus de leur clientèle BtoC. C’est le cas du réseau national de réparation de toitures Attila (81 agences et 600 collaborateurs), qui s’est créé pour répondre aux besoins constatés sur le terrain par son fondateur Benoît Lahaye, couvreur de métier. Né en 2003, le concept s’est transformé en franchise en 2006, et dispose désormais d’un service réservé aux grands comptes. “L’idée était de pouvoir s’adresser aux cibles BtoB qui ont souvent plusieurs sites et toitures à entretenir”, affirme Jean-Luc Chauvet, directeur marketing et communication du réseau. Un atout également pour le chiffre d’affaires de l’entreprise, puisque là où un contrat avec un particulier pouvait représenter en moyenne 300 à 500 euros, une réparation pour une entreprise peut atteindre 6.000 à 7.000 euros. “Nous avons donc dédié une équipe spécifique avec un gérant Définition Gérant / Co-gérant :
Personne physique associée ou non, qui dirige et administre pour le compte d'autrui en tant que mandataire. Le gérant dispose du pouvoir d'engager la société vis-à-vis des tiers pour tous les actes qui découlent de l'objet social ou non, et peut faire tous les actes de gestion conformes à l'intérêt de la société.
Lire la suite, des assistants, des techniciens de toiture”, ajoute Jean-Luc Chauvet.
Autre exemple, le réseau de centres automobiles Point S (525 points de ventes à l’échelle nationale), pour lequel la clientèle des professionnels a toujours fait partie de la cible, notamment à travers le concept Point S industriel. “Nous avons des accords-cadres avec des loueurs et des entreprises, ce qui permet d’assurer à nos adhérents un chiffre d’affaires compris entre 8 et 20 %, quel que soit le concept Point S mis en place”, explique Joël Arandel, directeur marketing de l’enseigne. C’est pourquoi le réseau a en contrepartie mis en place des responsables et une offre réservée à la clientèle entreprises, avec par exemple un programme de gestion de véhicules industriels, où Point S garantit une intervention rapide sur site à travers près de 200 points de vente, ainsi que des outils spécifiques comme un relevé de l’usure des pneumatiques. Et l’enseigne n’est pas la seule : de plus en plus d’acteurs du secteur, comme les réseaux automobiles Noroto Pro ou Feu Vert, ont fait leur arrivée avec des concepts destinés au marché des professionnels.
Carolina Gautron, responsable commerciale de Franchise Expo Paris
Quelle place occupe le secteur des services BtoB ?
La dernière édition du salon qui s’est tenue en mars 2018 a accueilli 580 exposants, dont environ 140 nouvelles enseignes. Le secteur des services (BtoC et BtoB confondus) a représenté 72 enseignes, dont une quarantaine cible la clientèle des entreprises. Le BtoB est devenu le second secteur le plus important après la restauration et le commerce alimentaire, et il s’agit clairement d’un marché d’avenir.
Pour quelle raison ce marché décolle-t-il aujourd’hui ?
La franchise BtoB occupe déjà une place importante dans l’économie française car les entreprises ont de plus en plus tendance à se concentrer sur leur cœur de métier et à déléguer à d’autres la gestion des fonctions support. Et c’est là que les franchises interviennent. C’est une belle opportunité pour les visiteurs de notre salon car les franchises du domaine des services demandent des apports de capital au départ plus limités (entre 5.000 et 50.000 euros) que d’autres domaines comme la restauration traditionnelle ou l’automobile. Sachant que 75 % des visiteurs ont des capacités d’investissement de moins de 75.000 euros, c’est donc un secteur qui peut s’avérer intéressant.
Quels sont les secteurs d’avenir pour le BtoB ?
Le domaine du courtage est tendance : nous avons eu cette année cinq sociétés de courtage en crédit, mais celles-ci ciblent surtout les cadres du milieu bancaire en reconversion pour le recrutement des franchisés. Le domaine du coaching se développe lui aussi depuis 5-6 ans. On a par exemple un concept australien, Engage and grow, qui propose aux entreprises des solutions pour développer l’engagement et la motivation de leurs équipes. Cela fait partie des enseignes internationales qui s’exportent et qui viennent conquérir le marché français.
Ce secteur représente 6,4 % de l’ensemble de l’industrie de la franchise, qui comprend 1.976 réseaux d’établissements à travers l’Hexagone.
Source : Fédération française de la franchise (FFF)