Le crédit-bail pour l’achat de locaux professionnels, une option à étudier de près
Compte tenu de l’environnement actuel de taux d’intérêt historiquement bas, il peut être intéressant pour une entreprise d’acheter ses locaux professionnels en utilisant un crédit bancaire. Cependant, avant de choisir cette option, il est opportun de s’intéresser aux solutions offertes par le mécanisme du crédit-bail qui, bien que souvent ignorées, ne manquent d’avantages par rapport à un emprunt immobilier classique.
Aujourd’hui, de nombreux chefs d’entreprise peuvent légitimement se demander s’il n’est pas opportun d’acheter plutôt que louer ses locaux professionnels. Il faut dire que l’environnement actuel de taux d’emprunt historiquement bas peut inciter certains d’entre eux à franchir le pas. Toutefois, cette solution est généralement réservée à des entreprises installées, qui affichent une bonne santé financière. En effet, un achat immobilier professionnel nécessite bien souvent une mise de fonds importante pour faciliter l’obtention d’un crédit bancaire, ce que n’est toujours en mesure de fournir une société qui démarre son activité par exemple. A fortiori, au cours des premières années d’existence d’une entreprise, la focalisation sur la croissance et le développement sont de nature à freiner l’acquisition de locaux professionnels, qui risquerait de plomber ses comptes.
“L’an dernier, la production de crédit-bail immobilier, tous acteurs confondus, s’est chiffrée à 4,4 milliards d’euros dans l’Hexagone”
Pourtant, des solutions de financement alternatives sont possibles, à l’image du “crédit-bail immobilier qui est accessible à tout type d’entreprise, de l’artisan/TPE aux plus grands groupes internationaux en passant par les PME et ETI, quels que soient leur secteur d’activité et leur durée d’existence”, indique Françoise Palle-Guillabert, délégué général de l’Association française des sociétés financières (ASF). Même “les sociétés en cours de création peuvent en bénéficier”, ajoute-t-elle ; ce qui explique sans doute le succès de cette technique financière, aujourd’hui largement diffusée en France. Ainsi, d’après les chiffres publiés par l’ASF, “l’an dernier, la production de crédit-bail immobilier, tous acteurs confondus, s’est chiffrée à 4,4 milliards d’euros dans l’Hexagone et reste dynamique”, précise Maha Sefrioui, responsable marketing de Crédit Agricole Leasing & Factoring. Derrière ces chiffres se cache l’opération par laquelle une société financière (le crédit-bailleur) achète ou fait construire pour son compte un immeuble à usage professionnel, pour le louer ensuite à une entreprise (le crédit-preneur) tout en lui permettant, si elle le désire, de s’en porter acquéreur à une date et un prix – la valeur résiduelle – convenu au moment de la signature du contrat de crédit-bail, par le biais d’une option d’achat. La valeur résiduelle correspond “au montant, souvent symbolique, auquel le locataire pourra racheter le bien immobilier à l’échéance du contrat”, précise Maha Sefrioui.
Quelles obligations à respecter ?
Toutefois, avant de se lancer dans une telle opération, le crédit-bailleur se doit de respecter un certain nombre de conditions. Tout d’abord, il faut savoir que seul un bien immobilier professionnel peut faire l’objet d’un financement via un crédit-bail, en vertu de l’article L313-7 du code monétaire et financier. En clair, il doit s’agir d’un bâtiment utilisé dans le cadre d’une activité économique, qu’elle soit commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou associative. Ainsi, un terrain nu sans projet de construction ou un immeuble d’habitation en sont exclu. En revanche, un crédit-bail peut être consenti pour un bâtiment comprenant, à titre accessoire, un logement de fonction. Il faut également savoir que tous les types d’immeubles professionnels peuvent faire l’objet d’un crédit-bail, qu’il s’agisse d’un bien immobilier à usage commercial, professionnel ou industriel, existant ou à construire.
“Pendant toute la durée du contrat, l’entreprise locataire assume les différentes charges afférentes au bâtiment loué ”
Autre obligation : pendant toute la durée du contrat, l’entreprise locataire assume les différentes charges afférentes au bâtiment loué ; soit les frais liés à son entretien courant, aux polices d’assurance ou encore aux impôts, taxes et autres contributions foncières par exemple. En effet, le crédit-preneur est tenu de maintenir les lieux loués en bon état d’entretien, même si “les grosses réparations incombent au crédit-bailleur, qui reste juridiquement le propriétaire de l’immeuble tant que le crédit-preneur n’a pas fait le choix d’exercer son option d’achat”, précise Nicolas Bonlieu, directeur associé du courtier Le Comptoir financier. D’ailleurs, dans le cadre d’un contrat de crédit-bail, le chef d’entreprise a toujours la possibilité de changer de locaux, de les sous-louer ou même de les céder par anticipation, bien évidemment sous réserve de l’accord du crédit-bailleur. Dans ce dernier cas, en règle générale, mieux vaut céder le contrat de crédit-bail en cours d’exécution plutôt que revendre les locaux avant l’expiration de leur période de location, conseillent les spécialistes. En effet, en cas d’une levée anticipée de l’option d’achat suivie d’une revente de l’immeuble, les droits de mutation s’appliquent deux fois, ce qui rend l’opération doublement plus coûteuse.
Pas de surpoids financier
Mais les avantages du crédit-bail immobilier ne s’arrêtent pas là. En effet, au-delà du fait qu’il permet à l’entreprise de devenir propriétaire du bien loué sans mobiliser sa trésorerie, ni alourdir sa dette, ce mécanisme financier a un argument de poids : pendant toute la durée de l’opération, le bâtiment reste la propriété du crédit-bailleur et ne figure donc pas à l’actif du bilan comptable du crédit-preneur. En conséquence, “le taux d’endettement du crédit-preneur n’est pas impacté par ce type d’opération de financement”, indique Françoise Palle-Guillabert, ce qui lui permet de préserver sa capacité d’emprunt, tout en ne dégradant pas sa solvabilité financière. Enfin, “le financement peut atteindre 100 % du montant de l’investissement”, précise-t-elle.
À l’issue de l’opération de crédit-bail, trois options sont offertes à l’entreprise : lever son option d’achat à un prix convenu dès la signature – sa valeur résiduelle –, restituer le bien au crédit-bailleur ou tout simplement prolonger son contrat de bail sur une nouvelle période.
“Le taux d’endettement du crédit-preneur n’est pas impacté par ce type d’opération de financement”
Autre avantage de poids, les redevances payées dans le cadre du contrat de crédit-bail sont considérées fiscalement comme des charges externes, et viennent donc réduire le résultat imposable du crédit-preneur, au titre de l’impôt sur les bénéfices. En revanche, si le même bien immobilier avait été acheté par le biais d’un crédit bancaire classique, seul le montant lié à son amortissement et aux charges d’intérêts payées sur l’emprunt contracté aurait été déductible. Une différence loin d’être négligeable, à laquelle s’ajoutent d’autres avantages fiscaux en matière de droits d’enregistrement ou de TVA par exemple (cf. encadré).
Le crédit-bail bénéficie également d’un autre atout, pas toujours connu : il permet de bénéficier d’aides à l’investissement immobilier octroyées par les collectivités locales ou certains fonds structurels européens comme le Feder (Fonds européen de développement régional). Ces aides, qui prennent généralement la forme d’un avoir sur les loyers, peuvent être pré-financées par le crédit-bailleur lorsqu’elles sont versées en cours de réalisation de l’opération, ou même après l’achèvement de la construction.
Mieux que le crédit bancaire ?
Cependant, avant de contacter un établissement financier pour mettre en place une opération de crédit-bail, il est important de bien évaluer “le coût de cette opération, qui n’est pas nécessairement plus élevé qu’un financement bancaire classique, notamment si l’on tient compte de ses avantages fiscaux comme la déductibilité des loyers par exemple”, précise Raphaël Dosne, consultant indépendant en crédit-bail immobilier chez Cbi-consult. Cependant, ce type de comparaison est souvent loin d’être évidente à faire pour un non-initié, car la notion de TEG (taux effectif global) n’est pas applicable.
“Le coût de cette opération, qui n’est pas nécessairement plus élevé qu’un financement bancaire classique”
En effet, “le crédit-bail immobilier n’est pas un prêt d’argent mais un mode de financement” ajoute-t-il. Il ne s’agit pas d’un crédit au sens juridique du terme. De plus, le coût total du crédit dépend également de services associés, qui peuvent être souscrits au moment de la signature du contrat. Ainsi, “dans la majorité des cas, le montant des redevances intègre le paiement d’une prime liée à la souscription d’une assurance dommages”, précise Jean-Christophe Bouchard, avocat associé chez NMW Avocats.
Pour l’entreprise qui souhaite faire l’acquisition d’un bien immobilier professionnel par le biais du crédit-bail, il faut savoir que cette forme de financement obéit à des règles fiscales particulières, que ce soit en matière de droits d’enregistrement, de TVA ou encore d’impôt sur les sociétés. En effet, pendant toute sa durée, le crédit-bail permet au preneur d’être dans une position quasiment analogue à celle d’un locataire sur le plan fiscal. Ainsi, au moment de la signature du contrat, les droits d’enregistrement bénéficient d’un taux réduit de 0,715 % si sa durée est supérieure à 12 ans, sachant qu’ils portent sur le montant cumulé hors taxe des loyers prévus durant toute la durée de l’opération.
Rappelons sur ce point que ces loyers constituent pour l’entreprise des charges fiscalement déductibles. C’est la raison pour laquelle si elle décide de lever son option d’achat en devenant propriétaire du bien immobilier, elle se doit de réintégrer dans son résultat imposable une fraction des loyers versés et déduits pendant la durée du crédit-bail. En pratique, le montant de cette réintégration correspond à la valeur de l’immeuble lors de la signature du contrat (terrain compris) à laquelle on retire le prix de la levée d’option, le montant des amortissements dont le preneur aurait pu bénéficier s’il avait été propriétaire de l’immeuble pendant l’opération, et enfin la somme des loyers non déductibles, c’est-à-dire la différence entre la valeur du terrain et le prix de la levée d’option. Si la société avait cédé son contrat de crédit-bail immobilier avant la levée d’option, cette cession aurait été soumise au régime des plus-values professionnelles avec une plus-value imposable égale à la différence entre le prix de vente et le total des quotes-parts de loyers non déduites. Dernière précision importante, “selon l’article 1467 du Code général des impôts, c’est au crédit-preneur de régler la cotisation foncière des entreprises”, précise Jean-Christophe Bouchard, avocat associé chez NMW Avocats. En effet, cette contribution est assise sur la valeur locative des biens immobiliers dont dispose l’entreprise.
À travers le mécanisme du crédit-bail, “l’entreprise n’est pas juridiquement considérée comme propriétaire du bien immobilier financé”, rappelle Françoise Palle-Guillabert, délégué général de l’Association française des sociétés financières (ASF). En conséquence, le recours à cette technique financière n’a aucune incidence sur son bilan comptable, même s’il existe une obligation d’indiquer dans son annexe le montant des loyers non échus. Du coup, son bilan comptable ne donne donc pas une image réelle des moyens mis en œuvre pour exercer son activité. Il convient donc de procéder à un certain nombre de retraitements dans ses états comptables, qui vont impacter à la fois son bilan mais aussi son compte de résultat.
En effet, pour ce faire, on considère que le bien immobilier visé par l’opération crédit-bail a été intégralement financé par endettement. Concrètement, sa valeur est donc réintégrée à l’actif de son bilan au niveau du poste des immobilisations de l’entreprise. En contrepartie, une dette financière du même montant est enregistrée au passif de son bilan.
Des retraitements sont également à effectuer dans le compte de résultat de l’entreprise, à la fin de chaque exercice comptable. Définition Exercice comptable d’une société :
L'exercice comptable désigne la période de temps limitée au cours de laquelle une entreprise enregistre toutes ses opérations économiques et commerciales dans sa comptabilité.
Lire la suite Le montant de la redevance annuelle du crédit-bail inscrite en charges externes – couvrant à la fois les coûts liés à l’amortissement du bien et à son financement – est donc purement et simplement supprimé. En lieu et place, cette somme est repartie entre les deux postes comptables suivants : les frais financiers, et les dotations aux amortissements. Une fois cette correction effectuée, il devient alors possible de comparer sur une base commune les états financiers de toutes les entreprises, qu’elles possèdent ou non des biens immobiliers via des opérations en crédit-bail. Les comparaisons inter-entreprises s’en trouvent donc facilitées, étant réalisées sur des bases comparables, ce qui peut être particulièrement judicieux en matière de valorisation dans le cadre d’une opération de cession par exemple.
Source : Association française des sociétés financières (ASF)