Le montant prévu de l’indemnité de chômage, au plus 4 800 €, est bien trop insuffisant pour inciter à la prise de risque entrepreneurial
La ministre du Travail a annoncé que les entrepreneurs individuels en liquidation judiciaire et dont le bénéfice annuel était supérieur à 10 000 € auront droit à une indemnité de chômage de 800 € par mois pendant six mois.
“Cette évolution facilitera les transitions professionnelles, qui seront de plus en plus fréquentes et nécessaires, notamment entre le salariat et le non-salariat”
Avec l’indemnisation d’un plus grand nombre de salariés démissionnaires, il s’agit de créer une assurance chômage universelle avec le même objectif que le régime de retraite universel : passer d’une protection sociale éclatée entre de multiples régimes associés à des statuts ou des secteurs, à un système unifié fondé sur des droits personnels et portables. Cette évolution facilitera les transitions professionnelles, qui seront de plus en plus fréquentes et nécessaires, notamment entre le salariat et le non-salariat.
Une assurance chômage financée par l’impôt
En cohérence avec ce caractère universel, l’assurance chômage sera financée par l’impôt pour une large part. À la fin de 2018, les cotisations salariales seront remplacées par la CSG, et la ministre a précisé que l’indemnisation des indépendants sera financée par celle-ci. En 2019, le CICE fera place à des allégements de cotisations patronales. Comme seules restent les cotisations des employeurs à l’Unédic et à l’Agirc-Arrco au niveau du Smic, celles-ci seront également remplacées par des impôts.
Tout cela serait de bon aloi si cette réforme ne présentait pas un risque majeur. En 2015, les entrepreneurs individuels ont tiré en moyenne 3 610 € par mois de leur activité (net de cotisations sociales) alors que le salaire net moyen à temps plein était de 2 250 € dans le secteur privé. Si les coiffeurs indépendants gagnent seulement 1 350 €, contre 1 677 € pour les ouvriers et employés salariés, les juristes et comptables indépendants gagnent 7 880 €, contre 4 142 € pour les cadres salariés.
Les rémunérations des indépendants sont souvent jugées excessives, mais ils peuvent répondre que c’est le prix du risque : un entrepreneur individuel doit souvent mobiliser son épargne pour investir et, s’il cesse son activité pour des raisons économiques ou personnelles comme la maladie, il perd son capital et ne reçoit aucune indemnité pendant qu’il est au chômage.
“Un entrepreneur individuel doit souvent mobiliser son épargne pour investir et, s’il cesse son activité pour des raisons économiques ou personnelles comme la maladie, il perd son capital et ne reçoit aucune indemnité pendant qu’il est au chômage”
La réforme envisagée ne modifiera pas substantiellement l’équation financière des entrepreneurs individuels : le montant de l’indemnité de chômage, au plus 4 800 €, est sans rapport avec le risque financier pris par la plupart d’entre eux, qui se compte plutôt en dizaine de milliers d’euros. Il est donc peu probable que les vocations entrepreneuriales soient beaucoup plus nombreuses.
L’opinion publique risque néanmoins de surtout retenir que les indépendants sont assurés contre le chômage et d’en conclure que leurs revenus, au surplus pas toujours déclarés, sont illégitimes. Elle fera donc pression sur le pouvoir politique pour majorer leurs impôts. L’assurance chômage est un mauvais service à rendre aux indépendants.
Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.